samedi 31 octobre 2015

Cohabitation

Sœur et frère. 3 ans et 3 mois d'écart. La blonde et le brun, la bavarde et le bricoleur, la sensible et l'exclusif.

Toute une histoire, ces deux-là...



Quand mon ventre s'est arrondi, Diane a doctement annoncé l'arrivée d'un petit frère. Elle n'en démordait pas, ce serait un garçon, et elle allait devenir une "'rande soeur, et le pitit frère il aura de la chance que je suis sa 'raaaande sœur !"

Elle avait vu juste.

Et puis Thomas est né. Défauts de fabrication sûrement, il ne jouait pas aux playmobiles, ne lançait aucun ballon, et surtout, il prenait une place certaine dans nos vies et dans nos bras. Diane a donc, logiquement, proposé de le jeter dans la rivière. Comme les cailloux, tu vois. Devant la mine déconfite de son père, heureux destinataire de cette joyeuse confidence, elle a fait marche arrière. "Ah ah non, c'est une blaaaague." Tordant.

Tout le monde a donc eu besoin d'un temps d'adaptation. Tout le monde, mais surtout Diane. On y a perdu quelques plumes, elle et moi. (Principalement moi, en fait. Parce qu'elle, aujourd'hui, n'en a a plus aucun souvenir. La veinarde.)
Bon gré, mal gré, le calme est revenu. Nous avons déménagé, et Diane a retrouvé le sourire et une chambre personnelle. Un espace rien qu'à elle, loin du baveux. Une chambre rose et verte, décoration Clochette et dressing de princesse. Le bonheur, quoi. C'est à peine si elle a grimacé quand nous avons d'autorité rangé dans la chambre bleue ses vieux jouets de bébé.

Diane apaisée, Thomas un peu plus éveillé, il n'a plus été question de lancés de cailloux. L'un et l'autre ont commencé à se chercher. A se draguer. A se titiller. Et il s'est installé entre ces deux-là une drôle de relation, mélange de séduction et de bienveillance, l'un dévorant l'autre de l’œil et grognant de plaisir si d'aventure il parvenait à attirer l'attention de sa déesse blonde, l'autre trop heureuse de jouer aux grandes sœurs sages et protectrices.
C'était bien. J'ai profité de la fin de mon congé parental dans le calme. Non vraiment, c'était bien.


Les choses se sont à nouveau compliquées à ma reprise du travail. Thomas, de tendre et câlin, est devenu franchement collant. Possessif. Voir carrément jaloux. Ce qui a posé, pour Diane, un léger problème de cohabitation.
Car dès lors, aux yeux de notre despote en couche-culotte, l'Affreuse Sœur prenait au quotidien une place folle, insupportable, au détriment du Prince de nos vies qui méritait, reconnaissons-le, d'être le Seul, l'Unique, l'Incomparable. Elle osait, l'ingrate, la péronnelle, voler quelques miettes d'intimité à son frère qui la supportait déjà depuis 18 longs mois.

Il a fallu, à nouveau, plusieurs mois d'ajustement. Diane, d'une patience d'ange et le sourire jusqu'aux oreilles, nous laissait expliquer au petit monstre furibond "qu'on a DEUX enfants, on les aime PAREIL, Diane a le DROIT d'être là, c'est SA maison AUSSI, on est SES parents AUSSI, et puis si t'es pas content c'est le même prix bon sang de bois !" De son côté et d'une petite voix modeste, la donzelle rappelait à son frère que, en plus, elle était là avant.
Heureusement, cette période aussi a pris fin. Thomas a encore quelques vieux réflexes, des velléités d'enfant pas unique qu'aimerait bien quand même. Mais dans l'ensemble, il a fini par accepter de laisser à la grande toute la place nécessaire. Soit une GRAAAANDE place, naturellement.


Et aujourd'hui, ces deux-là s'entendent comme larrons en foire. Surtout quand il s'agit de contrer l'autorité parentale (et donc tyrannique). Bien sûr, comme dans toutes les  fratries, ça se cherche, ça se trouve, ça grince des dents et ça pleurniche.
"Mais thomaaaaas ! C'est pas à toaaa !" "Mamaaaan, Diane elle m'embêêêêête ! Si c'est vrai !!"

Mais la patience de l'une et la bonhomie de l'autre font bon ménage, et voilà Diane à 4 pattes pour construire le plus grand des circuits de trains, et Thomas prêtant sa grave voix masculine (si si) au Barbie Prince.
Thomas adore sa sœur, les histoires qu'elle lui invente, ses bonnes idées de jeux ou de déguisements. Il la suit partout, roucoule de plaisir quand elle l'appelle, et force d'un coup d'épaule de rugbyman la porte de la chambre rose si par malheur elle était fermée.
Diane s'inquiète de son frère, s'assure qu'il ne manque de rien, que tout va bien. Elle lui chante ses berceuses quand nous sommes absents, lui file un bout de son goûter, et désespère s'il a choisi un autre compagnon de jeux au parc.

Et nous, dans tout ça, on jongle, acrobates plus si débutants, cherchant et parfois trouvant l'équilibre entre les instants à 4, à 3, à 2... On joue les arbitres et les conciliateurs au besoin. On laisse faire aussi, parfois. Et surtout, on mesure notre chance, on savoure cette complicité qui les aidera, nous l'espérons, à passer les coups durs que la vie réserve toujours.

    
  

Et tu sais pas, Lecteur ? Les deux loustiques réclament d'une même voix un petit frère. Mais attention, hein, pas une fille, la cigogne a intérêt à faire gaffe. On trouve ça très drôle très mignon très bon signe toussa toussa.... Mais en vrai soyons clairs, y'a pas moyen.

7 commentaires:

  1. Superbe texte, j'adore te lire !!!! Quel talent !!

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    1. Merci beaucoup, ça me touche. Et je suis sûre que ce sont des situations que tu connais aussi bien au quotidien !

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  2. Pourquoi y'a pas moyen ? POURQUOI???? Moi aussi je réclame !!!
    Tu parles si bien d'eux !
    Moi, je disais à mon petit frère qu'on l'avait trouvé dans une poubelle, il m'en parle encore ! Qu'est-ce qu'on a pu se chamailler et se mettre sur la tronche et pourtant, je l'aime infiniment. Ils sont beaux tes enfants, aussi beaux que leur maman !

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    1. Une poubelle ?? ça a le mérite d'être clair ! A ton frère musicien ? Bon, ça va, ça n'a pas trop compromis son développement, alors. Je suis rassurée pour Thomas ! Et si tu veux, on passe un pacte : le jour où tu ponds le 3ème, je réfléchirais au nôtre, ça marche ??

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    2. Oui ! Je n'ai qu'un petit frère, même configuration que tes monstres ! Il dit ca pour me faire culpabiliser mais il s'en fiche ! Ahaah il n'y aura jamais de 3eme ét peut être pas de 2ème non plus. Alors fait un effort pour moi quoi !! (Quoi j'abuse? Juste un peu..)

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  3. quel bonheur de pouvoir te relire. Je suis une lectrice de ton blog depuis plus de 4 ans. J'ai lu chacun des articles, sans laisser de commentaire mais avec toujours beaucoup de plaisir et à force je me suis beaucoup attachée à tes petits loups (moi qui adore les enfants). Alors quand j'ai vu que ton blog n'existait plus j'ai tenté des dizaines de fois de le retrouver, j'ai cherché un peu partout sans succès je m'étais presque résolue a ne plus avoir de nouvelles... alors te retrouver ici est un vrai bonheur.

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  4. Merci beaucoup pour ce doux commentaire, et bienvenue chez nous ! Au plaisir de te relire, Flore.

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Florilège & Co

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Trentenaire, amoureuse, maman, active. Ne cuisine pas, ne coud pas, ne colorie pas. Bouquine, écrit, court après le temps tout le temps.