vendredi 22 avril 2016

Les mots de Thomas



Dimanche, Thomas est invité à son premier goûter d’anniversaire. Elle s’appelle Solène et dans le dortoir de l’école, son matelas est posé à la droite de celui de Thomas. S’il l’aime bien, il lui préfère sa copine, Loulou. Ou la jolie Piara qui est « plus belle que maman ! » Ou encore la chipie Mélina. Mais quand même, elle est gentille, cette petite brunette qui lui fait la fête tous les matins. Alors, il est d’accord, il ira à son anniversaire.
Diane lui a demandé ce qu’il voulait lui offrir. Il a beaucoup réfléchi, et puis il a dit : « une fleur, et une barrette dorée ».
La fleur, pour faire comme son père sûrement, qui ne laisse jamais mon salon dépourvu de bouquet frais. La barrette, peut-être parce qu’il sait comme les femmes de sa vie sont attentives à leurs cheveux.

Ça a décidément du bon, de vivre avec des filles.


La semaine dernière, il a annoncé, entre le fromage et le dessert, qu’il avait bien réfléchi. Puisqu’on lui refusait, arbitrairement, le droit de se marier avec moi, et bien tant pis, il se marierait avec Diane. L’heureuse élue s’est étranglée de rire dans son petit suisse, et a tenté, entre deux hoquets, de lui expliquer que non, ça non plus, ce n’était pas possible. Hésitant entre le rire et les larmes, il a négocié ferme et lui a finalement proposé d’en reparler plus tard, quand ils seront des papas et des mamans et qu’enfin, enfin, il sera plus grand qu’elle.


Parce qu’à dire vrai, c’est assez pénible, cette fâcheuse tendance qu’a Diane d’être toujours, TOUJOURS, plus grande, plus rapide, plus forte que lui. Souvent il vient me voir, dépité, et me demande si demain il sera plus grand que Diane. « Alors après-demain ? »
Et c’est vrai qu’il y a de quoi rager. Elle court et pédale plus vite, gagne systématiquement les parties de cache-cache et semble avoir compris les règles pourtant obscures du Puissance 4. Sa maîtrise de la télécommande lui donne un avantage certain et ses avions en papier, eux, volent vraiment. Non vraiment, c’est agaçant. Il n’y a que lors des parties de lutte au corps à corps que les forces semblent mieux s’équilibrer.
Alors, comme il sait que les papas sont souvent plus grands que les mamans, il patiente, s’énerve parfois, et compense en étant l’un des plus grands de sa classe. Et en attendant, il profite de son statut de petit dernier qui lui permet, entre autre, de glandouiller tranquillement pendant que Diane s’embête sur ses devoirs.


Quand je dis glandouiller, je dis : regarder des vidéos de train (merci You Tube et ses fous du rail qui occupent si bien les temps d’écran de mon fils) ou faire rouler son petit train dans le salon. Mercredi, Diane lui a déniché un livre à la bibliothèque, « Le train à travers les âges », ou un truc comme ça. J’hésite à le racheter à la ville. Il le connaît déjà par cœur et m’explique, doctement, que telle machine est la plus rapide, telle autre est la plus longue, qui est la plus vieille, qui n’existe pas encore, qui vient d’Amérique et qui est Française. Passionnant.

Un soir de la semaine, j’ai voulu accélérer les rituels du coucher et je lui ai demandé (poliment quand même), s’il voulait bien lâcher son train pour aller se laver les dents. « Attends, je gare ma locomotive. Attends, je change le rail. Attends, il y a un accident, je répare. » Nettement moins polie, j’ai EXIGE qu’il lâche son fichu train, et puis de toute façon, pour le train aussi il est l’heure de faire dodo. Thomas a posé son wagon et enfin a levé les yeux. En parlant lentement pour être sûr que je comprenne bien, il m’a alors répondu. « Maman. Mon train, c’est un jouet en bois. Alors il va pas dormir, tu sais... »
Certes. (Si j’avais dit la même chose à Diane, elle m’aurait répondu : « non, il ne dormira pas, car quand les lumières seront éteintes, il partira à la recherche de la licorne sacrée avec l’aide de ses copines petites voitures, et il faudra qu’ils fabriquent une machine à remonter le temps pour lutter contre la vilaine sorcière TOUTE LA NUIT ! » J’aime ma fille au-delà du possible.)

Cela dit, il m’avait déjà fait le coup il y a un moment, alors que je prenais son doudou pour une marionnette. Il me l’avait arraché des mains, et me toisant de toute sa supériorité masculine, il avait dit : « c’est une PELUCHE, et les PELUCHES, ça parle pas ! »
Du coup, je me venge. Quand il dit que plus tard il sera grutier ou conducteur de train, je lui rétorque que y’a pas moyen, il m’a trop cassé les pieds, il finira ingénieur ou rien. (Et Diane sera romancière à succès, comme ça nos vieux jours sont assurés.)


Je râle, mais en vrai je ne me lasse pas de l’observer compter, comparer, construire, détruire, comprendre et expliquer. Je me demande par quel miracle j’ai pu pondre un modèle pareil.

Le modèle pareil, qui pourtant a ramené un bulletin « excellent » (ce sont les mots de la maîtresse, mais honnêtement je n’aurais pas dit mieux), m’a raconté, dans le bain, qu’il s’était fait punir. Je lui demandais l’origine de ces nouveaux bleus sur ses jambes, et il m’a expliqué que son copain faisait la bagarre de coups de pieds. Pour l’empêcher de taper (ou peut-être pour participer à ce jeu de bataille si rigolo, je n’ai pas eu le mot de la fin), il s’est, très logiquement, assis sur les jambes du-dit copain.
Ah.
Il semble que la maîtresse se soit fâchée et l’ait puni sur le banc. « Elle a dit : tu veux que je t’aide à écraser les copains ? Mais tu sais, moi je suis pas très doué pour les punitions. Alors je suis pas resté assis. »
Ah. (Depuis, j’attends le coup de fil de la maîtresse pour me parler de mon ingénieur délinquant et rebelle.)


Heureusement, heureusement, dans les bons mots de Thomas, il n’y a pas que des copines plus jolies que sa mère (oui, je suis vexée), des moteurs ou des punitions. Il y a aussi plein de mots d’amour pour MÔA d’abord, son père ensuite, sa sœur enfin. Et pour ses grands-parents aussi.
Thomas, il aime « très fort la maison de Nice parce qu’on est toussensemble ». Il aime embrasser la tempe de son père, « là où ça pique pas », faire des câlins à son Olaf (comprendra qui pourra), nous serrer le cou très longtemps pendant le bisou du soir, se coller contre sa sœur sur le canapé, frotter mon nez avec le sien le matin quand je dors encore, et par dessus-tout, il aime nos mots câlins.


Parce que mon ingénieur, râleur, bagarreur, c’est d’abord un cœur caramel mou, pas artichaut pour un sou, et amoureux des mots doux.


vendredi 1 avril 2016

Zone B...

... B, comme Bordaïl de Marde !

C'est pas une blague, et pourtant ça aurait pu, mais avril est déjà là. Avril, ses œufs en chocolat, ses poissons collants, ses premiers pique-niques de l'année, ses t-shirts et les rhumes qui vont avec, et... ses vacances scolaires.

Oui. Encore.


Tu as à peine fini de digérer la raclette de février que le calendrier affiche changement d'heure et solstice de printemps. Et ce soir, tes enfants ont passé le grand portail de l'école, la bouche en cœur et le cartable lourd de devoirs, heureux, heureux, heureux d'être en vacances.
Damned.
Le boomerang du calendrier scolaire te revient en pleine figure toutes les six semaines. L'avantage, c'est que tu étais prévenue. Et d'ailleurs, l'éternelle ritournelle tourne en boucle depuis un moment déjà dans un coin de ta tête : qu'est-ce qu'on va bien pouvoir faire des loustiques.... ?


SOLUTION N° 1 : Prétexter un repas dominical chez les grands-parents en début de vacances et profiter de la sieste des générations inférieures et supérieures pour filer sur la pointe des pieds.
AVANTAGES : D'abord, tu fais 2 enfants heureux, c'est pas rien quand même. Ensuite, tu offres un sympathique voyage dans le temps à tes parents/beaux-parents, plein de balançoires, playmobiles et gribouillages, de couches qui fuient, de caprices devant le bol de soupe, de nuits raccourcies et de longues, très longues journées. Certains oseraient parler de réminiscence du passé. Voir de cure de jouvence. Un séjour vivifiant, en fait. (J'ai dit "certains", j'ai pas dit moi.)
Et puis surtout, toi, tu vas pouvoir glander sur la canapé de 18h à 23h. Non, les escarres ne te font pas peur.
INCONVÉNIENTS : Tu risques d'être, assez rapidement et définitivement, rayée du testament parental. C'est dommage, parce que la soupière de belle-maman, elle te plaisait quand même vachement.


SOLUTION N° 2 : Poser, ta Moitié et toi, une semaine de congés chacun.
AVANTAGES : Tes dossiers s'accumulent sur ton bureau et ta chef de service te court gentiment mais surement sur le haricot ; l'idée d'envoyer tout ce petit monde balader quelques jours est tentante.
INCONVÉNIENTS : Le Club Med est fermé en avril. Ici, point de sable fin et de grasse mat'. Tu échangeras donc écran d'ordinateur contre Cars et la Reine des Neiges, réunions d'étage contre luttes de nains enragés, chef de service contre dictateurs en culottes courtes, dossiers TTU contre sorties piscines... Tu sais comme le bonnet de bain est seyant, et je ne te parle même pas du maillot qu'a rétréci pendant l'hiver, le traître (cf les raclettes, ligne 1).
Non vraiment, pas sûre que tu en sortes gagnante. En plus, c'est triste mais mathématiques, tu n'auras jamais, JAMAIS, suffisamment de CP à poser pour couvrir la moitié des vacances scolaires. Et pourtant, tu es fonctionnaire, hein.


SOLUTION N° 3 : Inscrire ta progéniture au stage de pâte à sel organisé par la ville. 15 jours de suite.
AVANTAGES : C'est un peu comme le centre-aéré, sauf que là tu es sûre d'avoir une place. Et puis l'Homme est un animal social, il est fait pour la vie en communauté, ça ne peut être que bénéfique pour tes enfants. Si. D'ailleurs, toi, tu adores les sorties de groupe et les visites guidées, c'est bien connu.
INCONVÉNIENTS : En vrai, tes enfants, ils sont crevés, et après 6 semaines d'école, ils ne peuvent plus voir leurs congénères en peinture. Tu risques la mutinerie dès le deuxième matin. Sans parler de ton cadet qui finira aux urgences pour une indigestion de pâte à sel.


SOLUTION N° 4 : Embaucher une baby-sitter pour les deux semaines.
AVANTAGES : Les enfants se reposent. Ils profitent de leur chez eux. Et ils se reposent. Et, heu... et voilà.
INCONVÉNIENTS : Tu peux faire une croix sur ton compte PEL. L'esclavage ayant été aboli il y a 1 siècle ou 2,  il faudra payer la baby-sitter. Et deux semaines de garde, à raison de 8 euros l'heure, ça pique. Beaucoup.


Comme la totalité des autres solutions envisageables est interdite par le code pénal (je sais, j'ai vérifié), il ne te reste plus qu'à jongler, prier, rentrer le ventre, baisser les épaules et passer entre les gouttes.


Nous, par exemple (ce que nous ne sommes pas, loin de là), nous alternerons les différentes solutions. Quelques congés chacun notre tour, un stage de natation pour la donzelle, des spectacles gratuits pour le mini, un peu de grands-parents par-ci, un peu de grands-parents par-là.... Le parc du quartier, les rollers et les vélos, les Disney à volonté, et puis surement beaucoup, beaucoup de vidéos de train.
Parce qu'en ligne de mire, en fil rouge, en garde-fou, il y a toujours le bonheur des enfants, ces 15 jours de repos dont ils ont besoin, malgré tout. Il y a le bouton pause sur lequel ils sont heureux d'appuyer, collés-serrés contre nous sur le canapé ou discrètement glissés sur notre oreiller. Il y a le temps précieux qu'on passe à trois ou à quatre.

Et puis en vrai de vrai, ce qu'il y a de merveilleux avec les vacances, c'est que tôt ou tard, ça se termine.


Florilège & Co

Ma photo
Trentenaire, amoureuse, maman, active. Ne cuisine pas, ne coud pas, ne colorie pas. Bouquine, écrit, court après le temps tout le temps.