mardi 24 novembre 2015

Il est où, Papa ?

Au travail, bien sûr.


 
Enfants mini-modèles et séance photos pour les besoins du magasin de Nicolas. Les plus observateurs devraient deviner de quelle enseigne il peut s'agir...


Un papa directeur adjoint de magasin, c'est un papa souvent absent. De longues journées qui finissent après le coucher du soleil et des enfants. Les marathons quotidiens devoirs-bains-dîner-coucher-et-recoucher, je les cours toute seule. Et je ne parle pas des semaines en déplacement professionnel, qui sont, heureusement, plutôt rares.

Mais un papa directeur adjoint de magasin, c'est aussi un papa qui offre les chaussures les plus colorées de la cour de récré. Des chaussures toujours neuves, aux noms rigolos, avec des bulles dans la semelle, "et qui courent vite. Trèèès vite !" Les enfants adorent. (Génération perdue... Moi à ton âge j'avais des sandales et des chaussettes. Oui en même temps. Oui je sais.)
L'autre immense avantage du travail de Nicolas, c'est qu'il est le papa préféré des maîtresses sportives. Les malines ont vite compris qu'elles pouvaient obtenir du-dit papa de chouettes réductions contre un sourire et un mot gentil sur la progéniture chérie. Du coup, il peut être en retard à l'école, amener les enfants sans leurs cartables mais toujours en pyjama, elles ne lui disent rien. RIEN.


Les enfants savent que papa, il est au travail. Le soir et le samedi, pendant les vacances ou les dimanches, il est au travail. C'est comme ça, c'est la vie. Ils savent que c'est pour payer les petits pois de leurs assiettes et les prochaines vacances au ski. Ils savent aussi qu'il y va, bien obligé mais presque toujours avec le sourire. Que c'est une chance, un luxe d'aimer son travail, et que pour y arriver il faudra faire comme lui : beaucoup travailler à l'école (oui on ment parfois à nos enfants. C'est mal mais c'est pour leur bien).

Toutes les journées commencent par la même question : "aujourd'hui il travaille, papa ?" Et si la réponse est non, alors c'est une fête ! La fête le dimanche, parce qu'on est "toussensemble", la fête le mercredi, parce que "c'est une petite journée, école le matin et papa l'après-midi !"

Mes veinards ont leur père une fois par semaine rien que pour eux. (T'imagines pas combien je donnerais pour être à leur place.) Depuis 2 ans, les mercredis se passent donc à trois, sans moi, parfois sans chausson, souvent sans légume au déjeuner, toujours avec des sorties parc, bibliothèque, spectacle, et devant les dessins animés que j'avais interdits la veille. Leurs mercredis à trois, c'est une parenthèse précieuse, les maillons essentiels du lien qui les unit. C'est le seul jour de la semaine où c'est LUI qui se casse les dents sur les devoirs de Diane, étend une lessive, construit d'immenses circuits de trains, habille une Barbie, croque les petons et organise de fabuleux goûters à rallonge.
Leurs mercredis, je crois que c'est encore lui qui y tient le plus.


Papa est donc au travail, bien souvent mais pas toujours. Finalement, ce boulot prenant, crevant, stressant, passionnant, ne lui vole rien de son rôle de père. Au contraire. Il jongle, partage, se dédouble parfois, et assure sur tous les fronts (sauf quand il amène les enfants à l'école en pyjama, mais là on va m'accuser d'insister).

Papa est au travail, mais les enfants savent avec certitude que Papa est d'abord et avant tout leur Papa. Et c'est bien là tout ce qui compte.

lundi 16 novembre 2015

Des jonquilles sur le fumier

Ma Diane Jolie, mon Grand Thomas.


Quand on vous a fabriqués, on a mis le plus d'amour possible dans la recette. Des cuillères de tolérance, de bienveillance, d'intelligence, de confiance. Plein de trucs en -ence pour faire rimer la non-violence.
On a pensé que c'étaient les meilleures armes à vous offrir pour affronter le monde qui vous accueillait. Parce qu'on sait bien que ce monde là n'est pas joli-joli. Mais à défaut de pouvoir arracher les mauvaises herbes du jardin, on y a planté nos jonquilles personnelles.

C'était bien. On était content.

Ensuite, vous avez grandi un tout petit peu. Et on a fait en sorte que nos jonquilles poussent droit.
A toi, Diane, on a expliqué la Liberté, l'Egalité, la Fraternité. On a chanté la Marseillaise. On t'a raconté la fabuleuse histoire de notre fabuleux pays et les 1000 vies de tes ancêtres Vikings, Celtes, Romains, Africains...
Toi, Thomas, à 15 mois tu t'es trouvé le meilleur copain du monde entier. Annys. Il t'a fallu plus d'un an pour mettre un mot sur les différences. Il a la peau marron. Et des chaussures Spiderman. C'est vraiment le meilleur copain du monde entier.

C'était bien. On était content.

Et puis vendredi, ça a tonné, crié, pleuré. Incrédules, on a éteint la télévision quand vous vous êtes réveillés. On a fait comme toujours. Barrage. Barrage de nos corps et de nos mots pour vous épargner les images et les faits. Il a bien fallu raconter à Diane, un tout petit peu, comme ça en passant, que les méchants étaient revenus, qu'ils avaient encore voulu tuer des gens en France parce qu'ils n'étaient pas d'accord avec eux, mais ouf, les policiers ont tué les méchants, et ouf, dans l'histoire, c'est nous les gentils.

On a fait barrage, et on a poussé la vie pour qu'elle continue. Bien obligés. Samedi matin, on est descendu en ville, tous les trois. Le tramway était presque vide. Même pas peur, j'ai pensé en tremblant. On a acheté les cadeaux d'anniversaire du week-end dans un magasin sans client. Même pas peur, j'ai encore pensé en tremblant.

Et ce matin, vous êtes retournés à l'école. Un peu surpris, parce que les parents ne peuvent plus passer le portail. Un peu déçus, parce que les pic-nic de la semaine étaient annulés. Un peu inquiets, parce qu'à midi, il a fallu faire une minute de silence. Une minute sans parler. Pour toi ma Diane, le symbole est puissant, le silence est parlant. "Je pouvais pas parler, alors j'ai pensé aux gens qui sont morts à Paris." Et ça t'a rendue triste ? "Un peu, mais pas trop, parce que Tonton Alexandre et Mamaguéna ils vont bien." C'est vrai, c'est important. "Et puis tu sais Maman, les méchants ils peuvent pas gagner, parce que les gentils sont toujours les plus nombreux, les plus forts, et les policiers ils nous protègent."

C'est vrai aussi.


Mes jonquilles, je ne sais pas trop quel monde on vous offre. Il va vous falloir pousser sur le fumier. Faire le tri entre les roses et les épines. Vous dépatouiller avec tous ces sentiments bien-pensants dont on vous arrose. Résister aux tempêtes qui souffleront encore.

Mais ce soir j'ai une certitude : si le monde n'est pas joli-joli, il est quand même mieux avec vous dedans. 


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Avec Alexandre, le Tonton parisien en vacances quelques jours à Nice.

mercredi 11 novembre 2015

L'écolier

Thomas va à l'école. On m'aurait demandé mon avis, pas sûre que j'aurais dit oui. Trop petit, mon bébé. Trop fragile, trop collé-serré, comment pourrait-il être heureux loin de mes jupes ? Non vraiment, pas possible.

Heureusement, heureusement, personne n'a jugé utile de s'intéresser à ce que j'en pensais.


Jour J, la tête et les chaussures à l'envers

La maîtresses de petite section nous avait prévenus, il y a longtemps déjà : elle veut le frère de Diane dans sa classe. C'est donc en parents habitués que nous nous dirigeons vers la classe de Thomas, lui tout fier de son nouveau tablier madine Mamili et sponsorisé par CarsPas d'hésitation dans les couloirs, et voilà que je te bise les vieilles connaissances, alors ces vacances ?, et que je te salue les enseignants, bonne rentrée mesdames, oui c'est Thomas, oui c'est le grand jour, oui tout le monde est bien content.

Ouuh la menteuse...

Ma main serrée sur celle de Thomas, je laissais mon nez s'allonger, le cœur quelque part dans les chaussettes. Trop d'enfants, trop de bruit, comment le laisser au milieu de ce brouhaha tout neuf ? Il n'acceptera jamais, jamais, jamais, et ne me pardonnera jamais, jamais, jamais.

On atteint enfin la dernière classe, au fond à droite. Je reconnais certains dessins, je me souviens du porte-manteau de Diane. Thomas, lui, accroche son sac et s'éloigne, un peu inquiet mais décidé, sans un regard pour le précieux contenant de son précieux doudou. Première étape passée haut la main, mon cœur remonte aux genoux.
La maîtresse nous salue gentiment. Thomas a sa mine concentrée, sourcils froncés, bouche pincée. Il marmonne un bonjour et balaie la pièce du regard. Rentrée échelonnée oblige, il partagera cette première journée avec 10 autres enfants. Rapide calcul, ils seront 30 enfants, cette année. 30 ? Et mon cœur dégringole jusqu'aux chevilles.
Approche l'Atsem, Lolo, que nous connaissons bien. Elle a rencontré Thomas il y a 3 ans, minuscule koala suspendu à mon cou. Elle l'a vu grandir, et je crois qu'elle l'aime bien. D'ailleurs, elle l'accueille chaleureusement, le front de Thomas se déride et mon cœur grimpe à nouveau quelques étages.

Formalités d'usage, papiers à remplir, pendant ce temps Thomas fait un tour rapide, et soudain pousse un cri de joie. Un copain ? Un doudou ? Mieux, un train !! Le même qu'à la maison !!! Plus petit of course, mais Thomas leur pardonne volontiers cette erreur naturelle. Il le sait, tout le monde n'a pas 30 mètres carrés de salon à consacrer à un petit train. Tout d'un coup dans son élément, il se fait une place près des rails et semble nous oublier. 
Les minutes filent, quelques enfants commencent à pleurer. Je fais mine de n'avoir rien vu mais Thomas s'approche de nous, à nouveau inquiet. Son père fait diversion, il lui propose d'installer son oreiller pour la sieste. Il est beau, cet oreiller madine Mamili aussi, décoré de voitures et de camions. Thomas accepte, presque content. 

Et puis arrive le moment de se quitter. Je glisse à l'Atsem qu'en cas de besoin, le doudou se cache dans le sac. Thomas grimace, le front se plisse, mon cœur se serre, mais Nicolas intervient. Il explique à mon tout petit dernier bébé que ça y est, il est grand maintenant, il peut aller à l'école, quelle chance ! Il va jouer au train, écouter la maîtresse, manger, se reposer, et Maman viendra le chercher quand ça sera fini. Thomas hoche la tête et serre les dents. J'ai plus qu'à faire pareil.

Nous le laissons un peu inquiet mais les yeux secs, près des rails en bois. Il ne pleurera pas de la journée. Et le soir, la maîtresse nous confirmera que Thomas, c'est un amour madame ! Pas de scoop, mais de quoi aider mon cœur à retrouver, enfin, sa place habituelle.


.......

Il aura tout de même fallu quelques semaines d'adaptation, la cantine est longtemps restée une épreuve pour notre gourmet sensible. 70 enfants au premier service, ça fait du bruit et impressionne mais ne coupe pas l'appetit, semble-t-il. L'Atsem a réglé le problème en l'installant à sa table, et depuis Thomas ne pleure plus à midi.

Il préfère, bien sûr, les journées sans école. Ou les petites, celles sans sieste. Mais dans l'ensemble, il part volontiers le matin, presque heureux de retrouver les toboggans et les vélos de la récréation, la salle de gymnastique et le coin des rails, ses maîtresses, son vieux copain Annys, et les nouveaux, Gabriel, Quentin, la blonde Manon et même la gourmande Mélina qui avait fait connaissance en mordant le bras de Thomas. Une petite bande à qui il fait des risettes et des coucous, le soir avant de me rejoindre, content d'avoir enfin, lui aussi, des anecdotes à raconter et des expériences scolaires à partager.

Tu sais Maman, ze suis grand maintenant, moi aussi ze vais à l'école, comme Diane !

Fin de journée de septembre, un brin fatigué...

L'écolière

Diane a invité une nouvelle copine, cet après-midi. Une blondinette à lunettes, drôle et gentille, dont j'entends parler depuis la rentrée. Eva. Elles ont passé un chouette samedi après-midi, à coups de marionnettes et de jeux de société, de playmobiles et de gâteaux au chocolat. Elles s'entendent bien, et j'en suis contente pour Diane. Parce que pour affronter cette année de CP, mieux vaut être bien entourée.

 Matin de septembre, dernier check up.

Le CP, c'est... disons... compliqué. Fatigant. Surprenant. Énervant. Bref, pas la panacée qu'on s'imaginait, toutes les deux.


En septembre, le cartable sentant bon le plastique neuf et ses plus belles sandales roses nouées aux chevilles, Diane a couru jusqu'au grand portail, pressée pressée pressée de retrouver l'école et ses copines. De mon bureau, j'attendais le coup de fil paternel qui m'assurerait, comme chaque matin depuis 3 ans, que pour Diane tout s'est bien passé. Oui, nous avons la chance insolente de n'avoir jamais eu à lui essuyer une larme de rentrée. Diane adore l'école, qui le lui rend bien.

Rendait bien.


Le premier soir, l'enthousiasme de notre fille ressemblait à un soufflé au fromage qui aurait trop attendu dans le four. Raplapla. Limite déprimant. Parce que tu vois, le CP, c'est un tantinet différent de la maternelle. Il faut rester assis. Loooongtemps. Et travailler. Beauuuucoup. Je veux dire, travailler pour de vrai. Plus de coloriage, collage, peinturlurage, mais des mathématiques et de la grammaire. Elle savait même pas que ça existait. 

Le deuxième soir, Diane a boycotté l'ascenseur pour rentrer à la maison. 5 étages à pattes, il fallait bien ça pour dégourdir les mollets de notre écolière. Et plus tard dans la soirée, elle a ouvert son cahier de devoirs en râlant comme trois cochons que Thomas, il a TROP de la chance d'aller chez les petits ! Additions soustractions, les sanglots longs des violons de l'automne, le roi le loir le noir le soir, Diane continue de souffler et mon soufflé de dégonfler.

Le troisième soir, elle a retrouvé le sourire à l'idée du week-end qui s'annonçait en compagnie de sa grand-mère, mais l'a perdu en avouant qu'aujourd'hui, la maîtresse l'avait changée de place (déjà ?!), paraîtrait qu'elle est trop bavarde (déjà ??!!), "et puis tu sais, je lève le doigt TOUT LE TEMPS, mais la maîtresse elle m'interroge JAMAIS !"

Le quatrième matin, elle a tout bonnement refusé de se lever. Le CP, voilà elle a essayé, merci bien mais non merci.


Il a donc fallu un certain temps, ou un temps certain, pour que peu à peu les choses se mettent en place. D'abord, pour s'habituer au rythme. Aux règles. A la discipline. Ensuite, pour s'adapter aux nouvelles têtes des nouveaux camarades, ceux qu'on connaît mais dont on se serait bien passé, et ceux qu'on ne connaît pas et dont on ne sait rien. S'adapter aussi à la classe CLIS avec laquelle elle partage le temps d'animation, en fin d'après-midi, et qui la bouscule encore régulièrement. Enfin, il a fallu du temps pour accepter que le temps de parole, à l'école comme à la maison, ça se partage....

Il a fallu du temps, mais grandir prend du temps.


Les semaines ont filé, et aujourd'hui Diane court à nouveau jusqu'au grand portail tous les matins. Le CP, finalement, ce n'est pas si mal. La maîtresse est plus douce qu'il n'y parait, les séances de piscine le lundi et de judo le mardi l'aident à tenir assise les autres jours, et l'idée de partir une semaine en classe de neige, avec ses copines mais sans ses parents, la fascine.
Diane collectionne les bons points, déchiffre avec gourmandise ses premiers mots et apprend à juguler les flots de larmes qui la submergent encore souvent. Nous avons transformé l'épreuve des devoirs en un moment de partage, parenthèse de confidences, penchées sur ses cahiers nous nous racontons nos journées entre deux lignes d'écriture.

Enfin, un rendez-vous obtenu avec la maîtresse a fini de nous rassurer. Madame M-R. a assisté, comme nous, à l'évolution de Diane, et comme nous, elle est confiante quant à la suite de cette aventure, stressante, énervante, et excitante.


Premier week-end de pause, on se requinque à coup de gâteau au chocolat avec Mamili.

Florilège & Co

Ma photo
Trentenaire, amoureuse, maman, active. Ne cuisine pas, ne coud pas, ne colorie pas. Bouquine, écrit, court après le temps tout le temps.