lundi 16 novembre 2015

Des jonquilles sur le fumier

Ma Diane Jolie, mon Grand Thomas.


Quand on vous a fabriqués, on a mis le plus d'amour possible dans la recette. Des cuillères de tolérance, de bienveillance, d'intelligence, de confiance. Plein de trucs en -ence pour faire rimer la non-violence.
On a pensé que c'étaient les meilleures armes à vous offrir pour affronter le monde qui vous accueillait. Parce qu'on sait bien que ce monde là n'est pas joli-joli. Mais à défaut de pouvoir arracher les mauvaises herbes du jardin, on y a planté nos jonquilles personnelles.

C'était bien. On était content.

Ensuite, vous avez grandi un tout petit peu. Et on a fait en sorte que nos jonquilles poussent droit.
A toi, Diane, on a expliqué la Liberté, l'Egalité, la Fraternité. On a chanté la Marseillaise. On t'a raconté la fabuleuse histoire de notre fabuleux pays et les 1000 vies de tes ancêtres Vikings, Celtes, Romains, Africains...
Toi, Thomas, à 15 mois tu t'es trouvé le meilleur copain du monde entier. Annys. Il t'a fallu plus d'un an pour mettre un mot sur les différences. Il a la peau marron. Et des chaussures Spiderman. C'est vraiment le meilleur copain du monde entier.

C'était bien. On était content.

Et puis vendredi, ça a tonné, crié, pleuré. Incrédules, on a éteint la télévision quand vous vous êtes réveillés. On a fait comme toujours. Barrage. Barrage de nos corps et de nos mots pour vous épargner les images et les faits. Il a bien fallu raconter à Diane, un tout petit peu, comme ça en passant, que les méchants étaient revenus, qu'ils avaient encore voulu tuer des gens en France parce qu'ils n'étaient pas d'accord avec eux, mais ouf, les policiers ont tué les méchants, et ouf, dans l'histoire, c'est nous les gentils.

On a fait barrage, et on a poussé la vie pour qu'elle continue. Bien obligés. Samedi matin, on est descendu en ville, tous les trois. Le tramway était presque vide. Même pas peur, j'ai pensé en tremblant. On a acheté les cadeaux d'anniversaire du week-end dans un magasin sans client. Même pas peur, j'ai encore pensé en tremblant.

Et ce matin, vous êtes retournés à l'école. Un peu surpris, parce que les parents ne peuvent plus passer le portail. Un peu déçus, parce que les pic-nic de la semaine étaient annulés. Un peu inquiets, parce qu'à midi, il a fallu faire une minute de silence. Une minute sans parler. Pour toi ma Diane, le symbole est puissant, le silence est parlant. "Je pouvais pas parler, alors j'ai pensé aux gens qui sont morts à Paris." Et ça t'a rendue triste ? "Un peu, mais pas trop, parce que Tonton Alexandre et Mamaguéna ils vont bien." C'est vrai, c'est important. "Et puis tu sais Maman, les méchants ils peuvent pas gagner, parce que les gentils sont toujours les plus nombreux, les plus forts, et les policiers ils nous protègent."

C'est vrai aussi.


Mes jonquilles, je ne sais pas trop quel monde on vous offre. Il va vous falloir pousser sur le fumier. Faire le tri entre les roses et les épines. Vous dépatouiller avec tous ces sentiments bien-pensants dont on vous arrose. Résister aux tempêtes qui souffleront encore.

Mais ce soir j'ai une certitude : si le monde n'est pas joli-joli, il est quand même mieux avec vous dedans. 


.....................

Avec Alexandre, le Tonton parisien en vacances quelques jours à Nice.

11 commentaires:

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    1. Efface tes larmes, Marie Jolie. Sinon ils auront gagné. Douces bises à toi et aux tiens.

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    1. Bisous Papa.
      (en vrai j'ai écrit puis effacé 20 réponses à ton commentaire, des plus dégoulinantes de bons sentiments à celles à l'humour franchement douteux. Même pour toi et moi. Du coup, tant pis tu ne m'en voudras pas, je me contente d'une bise ou deux. Ou trois.)

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    2. Je m'en contente sans souci, sans hésiter, sans aucun doute, 100 fois mais sans compter (quand on aime ...) ... mais pas sans trembler ! Sentimental, je suis, sans mentir !

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  3. Quel beau message tu as écrit; zont bien de la chance les 2 jonquilles; et nous on est plus que vernis avec notre fleur-Flore!
    Gros bisous

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    1. Quand je pense qu'on a failli appeler Diane, Rose... On ne s'en sortait plus, avec nos métaphores fleurales ! Merci Maman, gros bisous

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    1. Merci Alex ! Tu as vu, tu es en guest star de l'article, ce sont tes photos. Bonne reprise du travail, du quotidien, de la vie tout court. Gros gros bisous

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  5. ces petites jonquilles ont les meilleurs jardiniers pour s'occuper d'eux.

    très beau texte comme toujours

    biz

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    1. Merci Vivien ! Une graaaande équipe de jardiniers au top ! Bisous

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Trentenaire, amoureuse, maman, active. Ne cuisine pas, ne coud pas, ne colorie pas. Bouquine, écrit, court après le temps tout le temps.