Chère Nice.
Tu
m’as accueillie, il y a 10 ans exactement. Tu m’as donné un diplôme, puis un
boulot. Tu m’as mariée et tu as vu mes enfants naître. Sans que j’y prenne
garde, tu es devenue mon chez moi.
On
se connaît bien, toutes les deux. Je sais tes beautés et tes salissures. Je
sais les rues où il faut lever la tête pour admirer tes merveilles, et celles
où il vaut mieux surveiller ton trottoir. Je sais tes fragilités et tes
déchirures, celles que tu caches et celles que tu assumes.
Je
connais plutôt bien les Niçois. Les vrais comme les adoptés, les jeunes et les
retraités, les touristes et les habitués. Je lis leurs courriers tous les
jours. Il y en a qui t’adulent et te
flattent, d’autres qui grognent et qui râlent. Mais tous t’ont dans la peau.
Et aujourd’hui, ils sont nombreux, ceux qui te pleurent, te soignent et te
consolent.
Tes
quartiers ont toutes les couleurs. Il y a ceux des cartes postales et ceux des
tours grises ; il y a ceux du bord de mer et ceux nichés sur les collines.
Et puis il y a le mien. Je l’aime d’amour, mon quartier, tu vois. Je trouve
qu’il te ressemble, plein de vie, d’odeurs, de musique. Mais voilà, ce que peut-être tu ne sais pas, c’est que ses faux airs de village, sa socca et ses platanes, cachent une faille profonde, dangereuse. Un fossé plein de regards soupçonneux sur des voiles trop ajustés et de lèvres pincées sur une jupe trop relevée.
Oui,
Nice, ça aussi, c’est toi. Et ça fait mal.
Alors,
comme je n’imagine pas de te quitter, je prends la main de mes enfants et on
saute par-dessus cette faille pour rejoindre leurs copains, leur école, celle
de la République, celle qui apprend comment vivre ensemble, qui tente de combler le
fossé. On
saute, mais jusqu’à quand sauterons-nous assez loin ? A toi je peux le
dire, parfois j’ai peur de ne plus y arriver et de vouloir fuir ce quartier. Je me sens impuissante devant
sa violence ordinaire, prisonnière de cette ambiance délétère qui
ne s’assume pas, blessée par les tensions que l’on dit extra-communautaires et qui
t’abîment.
Chère
Nice, ton assassin, ton meurtrier, habitait à quelques rues de la mienne. J’en suis plus en
colère que réellement bouleversée. En colère parce que trop de yeux se sont
fermés sur les sonnettes d’alarme tirées. Et quelle solution à l’horizon ?
Rien, rien, rien, seulement l’espoir que nos enfants, au prix de leur
innocence, sauront faire mieux que nous.
Nice
ma Belle, Nice Reine des Fleurs, je continue à vivre, à rire, à sortir. Je
résiste à la tentation de l’abandon, à la tentation de la haine. Je me dis que là réside ton salut. Je marche dans
tes rues de soleil, je déjeune dans tes parcs, je regarde tes amoureux, je me
persuade que tu vas bien, malgré tout, malgré eux. Je continue d'espérer que les choses finiront par s'arranger, que le vivre ensemble et les jolis mots dont j'arrose mon travail deviendront un jour réalité. Que plus aucun quartier, aucune ville du monde ne saignera comme tu as saigné.
Je ne céderai pas, je ne m’enfermerai pas, je continuerai d'y croire. Parce que c’est ce que tu mérites. Toi
dont la beauté orgueilleuse et insolente est la meilleure des réponses à ceux qui essaieront
d’éteindre tes lumières.
Ma belle, ma fille, ma belle niçoise, fille solaire, ce n'est qu'une éclipse. Elle passe et ne laissera que le souvenir de ce frisson au moment où le soleil disparaît.
RépondreSupprimerEn tout cas si on retrouve enfin la philosophie des lumières pour repousser l'obscurantisme que représentent ce retour au religieux. Quelque soit la religion qui n'est que folie.
Et pourtant, ici, le lien avec la religion est flou. On est plus dans le cas d'un Orlando, ou même de ce pilote Allemand. Malgré tout, autour de moi les amalgames sont nombreux, et les tensions plus fortes que jamais. Alors une éclipse, oui, mais qui laissera quelles traces ? Je ne suis pas bien tranquille pour Nice, tu vois.
Supprimerquel texte... des mots posés sur une sale période que nous vivons... des mots justes... A l'avenir de nos enfants...!
RépondreSupprimerMerci Ludivine. Je vous embrasse tous les 4
SupprimerQuel joli hommage tu as écrit, Nice a bien de la chance de t'avoir chez elle, et ses habitants aussi! bon courage à tous les niçois, que tes doux mots les entrainent et les consolent un peu. je t'embrasse fort. Maman
RépondreSupprimerMerci Maman. Je ne suis pas bien sûr que nos condoléances seront d'un grand secours. Mais comme on ne m'a pas demandé mon avis avant de me les faire écrire, et que je suis sage et docile... Bisous
RépondreSupprimerJe crois reconnaitre Diane devant la fontaine, toute fascinée par ce jaillissement magique. je parlais des mots de ton article, je suis comme Diane, épatée par ton écriture quasi magique. Bisous
RépondreSupprimerOui, c'est mini-Diane. Avec la robe de Marinette. Je suis CONTENTE de vous voir dans approximativement 5h ! Bisous
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